Présentation
Reconnue comme l’une des formations de musique de chambre les plus prestigieuses, le Trio Wanderer devait se produire au Festival en 2020. Nous sommes très heureux qu’il soit présent cette année, dans un programme saisissant qui allie l’expression du romantisme au bouillonnement du début du XXè siècle.
Le pianiste Vincent Coq évoque avec passion, les univers si dissemblables de ces trois chefs d’œuvre. Quel serait le lien qui unit les trois pièces de ce concert ?
Le génie ! L’évidence du génie qui culmine avec le Trio de Ravel, peut-être le plus grand trio de tout le XXè siècle.
Les deux partitions du romantisme allemand s’inscrivent dans des univers radicalement différents…
En effet. En quelques mesures, vous reconnaissez l’écriture et la personnalité des compositeurs. Chez Mendelssohn, le romantisme est hérité du classicisme et la partie dédiée au piano appartient à la filiation des Haydn, Weber et Beethoven. C’est une musique de grande virtuosité, digne d’un grand concerto, fort éloignée, à la même époque de celle d’un Frédéric Chopin dont l’expression du chant était en partie liée au bel canto. Le Trio de Mendelssohn offre le parfait équilibre, la pureté des thèmes, la perfection de la forme. Elle est aussi d’une prodigieuse fantaisie : dans le scherzo, on croit entendre les échos du Songe d’une nuit d’été ! Enfin, il s’agit d’une musique “heureuse”, sans arrière-pensée aucune, contrairement à celle Schumann. Le finale est une enivrante farandole.
Peut-on considérer le Notturno de Schubert, cette simple page comme une sorte de respiration, un moment de répit ?
Assurément. Mais, le Notturno dont le titre est d’ailleurs apocryphe, possède quelque chose de magique, d’inoubliable. C’est une musique d’une richesse incroyable avec des nuances dignes d’un oxymore. En effet, quand Schubert écrit « pianissimo appasionato », il associe deux nuances que l’on pensait contradictoires. Il montre à quel point la passion peut être intériorisée, comme un feu qui couve, une violence qui ne demande qu’à jaillir.
Imaginez-vous des images en jouant cette pièce ?
Je pense souvent au film américain de Charles Laughton, La Nuit du Chasseur avec Robert Mitchum. Il y a une part de mystère, une poésie, le reflet de la nuit, et une inquiétude propre à Schubert car il compose cette pièce quelques mois avant sa disparition.
L’inquiétude prend une dimension tragique avec le Trio de Ravel dont la composition fut achevée quelques jours après le déclenchement de la Première Guerre mondiale…
Créé en 1915 avec le pianiste Alfredo Casella, le Trio exprime une violence souterraine et une tension qui ne cesse de croître dans la Passacaille, aussi solennelle que grave. Quant au final, il faut y entendre les échos de l’orchestre, la masse des cordes réduite ici à deux instruments. Cette page fut d’ailleurs orchestrée par le chef d’orchestre Yan-Pascal Tortelier. La difficulté de l’interprétation réside en grande partie dans la maîtrise de rythmes complexes. Ravel reconnut avoir beaucoup souffert pour achever cette pièce d’une si grande précision. Quel bonheur de jouer cette musique, chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre pour un ensemble comme le nôtre !