Présentation
Piano : Nathanaël GOUIN, Claire-Marie LE GUAY, Jonathan FOURNEL
Trois pianistes, trois récitals… Une soirée dédiée aux passions du romantisme.
Le piano se fait l’instrument de la confession, des révoltes, des batailles, des amours et des nuits, avec leurs rêves et leurs visions. Laissons-nous porter par les étoiles immortelles de cette Nuit du Piano.
Claire-Marie Le Guay, vous êtes la directrice artistique du Festival international de musique de Dinard. Comment avez-vous imaginé cette Nuit du piano qui clôt le festival ?
La Nuit du piano, c’est une fête ! Réunir le récital de Béatrice Berrut sur le thème de La Nuit transfigurée et les trois récitals qui constituent la Nuit du piano, c’est un bouquet final autour du piano, l’instrument fil rouge du Festival.
Comment se construit une Nuit du piano ?
En proposant au public un cheminement au fil des trois concerts. Vivre l’expérience d’une Nuit du piano, c’est se laisser guider avec ivresse par la variété des œuvres proposées et les différentes personnalités des interprètes. Les entractes au cours desquels on peut se restaurer constituent également un moment de convivialité unique. Nous commencerons avec la fraîcheur de Bizet, que l’on connaît bien sûr si bien à travers son opéra Carmen, mais dont l’œuvre pour piano est un bijou que Nathanaël Gouin nous fait découvrir magnifiquement. Jonathan Fournel, que nous sommes heureux de retrouver au Festival depuis son récital « découverte » en 2019 et après son 1er Prix au prestigieux Concours Reine Elisabeth, nous propose deux sommets d’architecture musicale. Et quant à moi, je tracerai des traits d’union dans un programme pensé comme une respiration. La Nuit du piano, c’est un voyage, pour clore cette 33è édition et ouvrir vers la prochaine.
1er RÉCITAL > Nathanaël GOUIN, piano
Le souffle du chant
Disparu à l’âge de 36 ans, Georges Bizet composa une série de pièces intitulées Chants du Rhin. Quel titre intéressant sous la plume d’un musicien français ! En effet, comment ne pas songer à Schumann et Mendelssohn, à l’esprit du lied, tant chaque phrase chante. Rêverie, berceuse et confessions amoureuses, exaltation de la danse… Ce sont six petits joyaux du piano, de ravissantes mélodies, parfois candides, parfois annonciatrices de Carmen. Bizet
fut également l’auteur d’un autre drame : L’Arlésienne. Cette histoire provençale évoque un jeune paysan de la Camargue, qui s’éprend d’une fille d’Arles et que l’on ne verra jamais. Le menuet, apparemment enjoué, annonce le drame à venir.
Le chant continue avec les lieder de Schubert que Franz Liszt transcrivit. Il embellit chaque mélodie avec des couleurs inattendues tout en préservant la vocalité de l’ouvrage original, nous faisant pénétrer dans une nuit presque silencieuse, tragique. Un homme se tient devant la maison de celle qui fut son aimée. Enfin, La Vallée d’Obermann de Liszt. Bruits de torrents et de cascades, explosions sonores, mais aussi solitude de l’Homme dans la nature. Un chant apaisé referme la partition.
2e RÉCITAL > Claire-Marie LE GUAY, piano
Aux portes des songes
La musique de Frédéric Chopin s’inspire de l’intimité de la nuit. Elle laisse les pensées tournoyer “dans l’air du soir”, à l’abri du regard. Les paroles, les non-dits, les silences traduisent la solitude du musicien. À l’opposé de cette confession, Chopin peut aussi se révolter, lui, le polonais exilé dans sa nouvelle patrie. La terrifiante Etude op.25 n°10 avec ses octaves à deux mains est ainsi une tempête avec une berceuse en son milieu. Le langage du compositeur russe Alexandre Scriabine s’inscrit tout d’abord dans le prolongement de celui de Chopin puis l’écriture de Scriabine se métamorphose bientôt. Rêve ou cauchemar ? Vers la flamme, l’une des dernières pièces du musicien fait surgir une lumière parfois aveuglante, au cœur de la nuit.
Serge Rachmaninov, pour sa part, referme l’histoire du piano romantique. Il révèle l’écriture teintée aux sources de la mélodie russe, de tintements de cloches, de chevauchées sans fin.
Certaines pages possèdent la fougue haletante d’un petit poème symphonique. D’autres ont l’allure d’une méditation. Rachmaninov, c’est le piano en “majesté”.
3è RÉCITAL > Jonathan FOURNEL, piano
Autoportraits
Chopin a conscience de la fragilité de son état de santé et la musique est devenue un ultime refuge. « Il s’enterre à tout instant avec un certain plaisir » écrit George Sand, à la fois fascinée et désolée. La 3è Sonate qui met en scène les états d’âme du musicien, devient bientôt valse puis nocturne et lied dans le mouvement lent. Le final est la confession d’un homme blessé d’avoir quitté pour toujours son pays, la Pologne. Brahms se serait peint en musique dans sa
troisième et dernière Sonate pour piano. La rage et la foi traversent cette œuvre qui déchaîne des cataclysmes, des tempêtes. Le pianiste rivalise avec toute la démesure de l’orchestre.
Mais, au cœur de la Sonate, c’est l’amour qui surgit et Brahms écrit sur la première page du mouvement lent, ces vers du poète Sternau : « Le soir tombe, le clair de lune brille, il y a là deux cœurs unis par l’amour qui l’entrelacent avec béatitude ».